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Quel avenir pour le commerçant et l’expert comptable dans un monde digital ?

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Quel avenir pour le commerçant et l’expert comptable dans un monde digital ?

Thierry Leprince, expert comptable, président du cabinet TRISKELIS

 

Thierry Leprince a dirigé un cabinet d’expertise comptable pendant 20 ans et, désormais, accompagne ses anciens confrères dans leur transition digitale au travers sa structure TRISKELIS. Il a notamment géré la comptabilité de 30 restaurants « Del Arte» et à ce titre connait bien le milieu du commerce et tente d’apporter des solutions aux relations parfois complexes entre comptables et commerçants à partir d’une redéfinition de la profession de comptable et à travers l’exploitation des nouvelles technologies. Il participera au congrès de l’OEC du 27 au 29 septembre prochain à Lille

Quel regard portez-vous sur les opérations caisses en tant qu’expert-comptable ?

Les opérations CAISSE ont toujours constitué pour les experts-comptables à la fois une difficulté de connaissance réelle des opérations mais aussi une difficulté de formalisation pour une correcte comptabilisation. Les raisons en sont multiples : un outil caisse enregistreuse parfois mal maîtrisé ou utilisé par le commerçant ou alors une synthèse transmise à l’expert sans validation arithmétique, une méconnaissance de l’importance des conséquences des flux caisse, une focalisation du commerçant sur l’aspect uniquement trésorerie, mais aussi souvent, une insuffisance de pédagogie de l’expert etc…

Que pensez-vous des dernières réformes anti-fraude du gouvernement sur les caisses enregistreuses ? quelles en sont les conséquences d’après vous ?

Avec la double tenaille, logiciel certifié et FEC, l’Administration, obnubilée par la lutte anti blanchissement et la récupération de recettes fiscales supérieures, impose des normes strictes.

Le contribuable de base ne peut que se féliciter d’une transparence « forcée » pensant que derrière chaque commerçant se cache un « fraudeur » ce qui est loin d’être la réalité. Arrêtons les états d’âme et passons à la réalité de la situation. La CAISSE n’est qu’un organe de transit, elle reçoit des flux qu’elle reverse en permanence. La différence entre les flux entrants et les flux sortants s’appelle le solde de caisse. Elle enregistre des flux réels que sont les ventes de produits ou marchandises avec leur contrepartie financière, l’encaissement du prix sous forme de monnaie qui peut être espèces, chèques, carte bancaire, ou nouvelles monnaies telles titres-restaurant, bons de réduction, bons cadeaux, chèques ANVC etc… Il convient donc que le titulaire de la caisse enregistreuse maîtrise le fonctionnement de la caisse, saisisse la nature du flux correctement mais aussi contrôle en fin de période (jour, semaine, mois) la cohérence globale des opérations et enfin transmette au professionnel comptable ces informations sous une forme lisible et compréhensible par lui.

Mais quelles implications pour l’expert-comptable ?

De son côté, l’expert ou le professionnel comptable doit a minima expliquer l’importance des opérations CAISSE à son client et détailler la signification de chaque flux dans un langage simple ainsi que proposer à son client un support de synthèse journalière servant d’une part au suivi de la gestion de l’entreprise et d’autre part à la correcte comptabilisation des opérations

Quelles sont les conséquences sur les caisses en elles-mêmes et les nouveaux critères auxquels elles doivent répondre d’après vous ?

Selon moi, au-delà des quelques remarques et recommandations soulevées tout à l’heure et parfois oubliées dans les discours, deux postulats doivent gouverner l’esprit même de l’outil CAISSE : il est, d’une part, un outil de gestion et il est, d’autre part, un outil d’encaissement. Ces deux postulats orientent, à leur simple lecture, les choix qui doivent être faits pour produire les états et/ou informations dont ont besoin tant le commerçant que le professionnel comptable. Je pense aux commerçants ayant un ou deux points de vente et non aux structures importantes. Celles-ci ont déjà intégré depuis longtemps ces deux notions dans leur réflexion.

L’aspect technique de la Profession ne doit-il pas être complété d’une relation clients plus approfondie ?

Effectivement ! à l’heure où le modèle économique des experts va subir ou subit déjà de profondes perturbations, le CONSEIL, figure de proue de la Profession (dit-on) est à nouveau mis en avant, au point d’en faire le thème du prochain congrès à Lille, il serait très utile voire vital que ceux-ci (les experts), quand ils reçoivent les informations mensuelles de leurs clients pensent fiscalité, bien sûr, mais aussi, dirons-nous, surtout gestion. L’expert-comptable de demain, tout collecteur d’impôt qu’il restera normalement, devra orienter son activité sur le conseil. Et combien, quand ils reçoivent un nouveau client prennent le temps de lui expliquer l’importance de l’outil CAISSE ? Réponse : très peu !

Le travail est confié au collaborateur désigné qui regarde son « clocher », en d’autres termes, il expliquera, dans son langage, le tableau mensuel à remplir par son client. C’en est fini de la gestion ! le dit tableau ayant comme but quasi-unique de bien différencier les flux de trésorerie afin que tous les comptes de classe 5 pointent après saisie. Non seulement le comptable a chassé l’expert (sic), mais en plus, cet ancestral réflexe de centralisation n’est plus d’actualité avec l’apparition du FEC bannissant la saisie de cumuls.

Quel apport pourrait donner la technologie dans cette mutation ?

Premièrement : Il est fondamental que les éditeurs de logiciels, désormais certifiés, de caisse « pré-digèrent comptablement » les informations à transmettre ou que les experts-comptables iront télécharger à l’identique de ce qui se fait pour les opérations bancaires. Deuxièmement, il faudrait que ces logiciels se posent la question : Que veulent les experts-comptables ? et la réponse est on ne peut plus simple : une information claire, détaillée et exhaustive. En effet : L’impératif, désormais, est d’enregistrer quotidiennement les opérations de caisse. Le fichier des écritures de caisse doit donc se présenter sous forme de journal comptable. Les comptes concernés par les opérations seront à intégrer pour une codification déjà alimentée. Cette codification devra être adaptée à toutes les opérations de caisse, en amont, pour les flux réels (ventes sic), en aval, pour les flux financiers de sortie caisse qui trouveront (ou pas) leur contrepartie pour leur rapprochement avec la banque.

Plusieurs questions se posent sur cette intégration des opérations dans l’outil comptable…

…Oui et ces interrogations prennent leur source dans l’exhaustivité des opérations transmises.
Se pose évidemment la question de la confidentialité : il faudra veiller à ce que toutes les opérations transmises soient anonymes c’est certain, et ce même si l’expert-comptable est soumis au secret professionnel : le transfert de tels fichiers peut toujours tomber dans des mains peu scrupuleuses.
Je parlerai aussi du volume des opérations : les experts-comptables vont se féliciter d’avoir l’intégralité des opérations. Mais n’est-ce un cadeau empoisonné ? Certains volumes journaliers seront importants. Prenons un exemple dans la restauration sous forme de franchise.

Certains établissements peuvent servir 3 à 500 couverts/jour. Ce sont autant d’opérations qui seront transférées et qui peuvent donner en fin d’année 109000 à 182000 lignes d’écritures ! Outre la durée du transfert, imaginons le pointage de ces écritures, l’éventuelle édition et l’archivage ! Il faut que les éditeurs de logiciels de caisse solutionnent ce problème qui risque d’arriver et ce n’est qu’un exemple. Pour les volumes moins importants, le détail engendrera moins de volumes mais des volumes de toutes les façons supérieures à ceux d’aujourd’hui ; il faudra dans l’ensemble de la chaîne trouver aussi des solutions. On peut concevoir qu’une synthèse des opérations du jour soit transmise. Mais sera-t-elle suffisamment explicite et détaillée ? un accès parallèle au fichier intégral de la journée semble envisageable. Soulevons une opération qui pose souvent problème par manque de détail. Ce sont les paiements fournisseurs, petits frais généraux, versement d’acompte au personnel par caisse. Il faut que ce type de sortie CAISSE soit suffisamment documenté dans le logiciel de caisse. Trop souvent des rubriques « fourre-tout » sont invérifiables une fois lues ou éditées. C’est le triumvirat, Editeurs de logiciels de caisse, Editeurs de logiciels comptables et Expert-Comptable, qui doit accorder ses violons pour un bénéfice commun en direction du client…

…Sans oublier le client évidemment…

En effet : Le client, personnage souvent oublié, doit être un acteur à part entière. Ne le négligeons pas ! L’association FEC et logiciel de caisse certifié va donc bousculer à la fois les habitudes des experts comptables mais aussi des utilisateurs, les clients. Prévue pour s’appliquer le 1er janvier 2018, il est grand temps de sensibiliser les clients concernés. Cette information doit être un travail d’équipe. Il faudra du temps, il en reste peu, mais c’est une opportunité pour la profession comptable pour se libérer des contraintes et pertes de temps sur cet élément sensible qu’est la caisse. Mais surtout, au travers des nouvelles informations recueillies, d’effectuer des missions de conseil.

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